vendredi 29 mai 2015

René Tissandier, un des grands papas des VDM

Dans Violons du Mamou, vous avez peut-être remarqué : il y a « violon ». Oui mais pourquoi ? Parce qu’il y a des violons dedans oui. C’est cela. Et aussi parce que les VDM (au passage, rien à voir avec un autre sigle identique : pour « Vie De Merde » dont nous nous sentons particulièrement éloignés !), se sont constitués autour du violon, pour le violon. Pour faire du violon, et plus précisément : du trad au violon. Nous y voilà. Et pourquoi était-ce si important de faire du violon trad dans le coin ? He bien, à part que les VDM aiment jouer de cet instrument, aiment aussi l’écouter, sans doute aussi le toucher, et puis danser sur la musique trad…à part tout cela : eh bien parce qu’il y a justement une tradition de violon dans le coin. La fameuse tradition des violoneux d’Auvergne.

Selon les musicologues qui ont étudié ces musiques traditionnelles* de Centre France c'est le violon qui le premier arrive en Auvergne pour prendre le relai de la voix, et donner à danser la bourrée et autres. Pour tout un chacun, la cabrette et l’accordéon sont les vedettes du folklore auvergnat. Et c’est vrai pour la fin du XIXème siècle, mais au début du siècle, c’était le violon. Et c’est durant ce XIXème siècle que la fameuse tradition des violoneux d'Auvergne se construit. Notamment autour de noms comme Lucien Morin (dit « Lucien l'aveugle »), Marguerite Gatignol de Gaines, ou encore Léonard Lachaud dit « Fenou ». Ce sont leurs héritiers (souvent petits-fils ou voisins) qui ont prolongé la tradition des violoneux d’Auvergne, toujours paysans le jour et violoneux le soir, jusqu’au milieu du XXème siècle, autour de noms comme Antonin Chabrier, Léon Peyrat, Alfred Mouret, Lucien Tournardre et peut-être le plus connu : Joseph Perrier.

C’est de ces violoneux-paysans que les VDM tiennent la majorité de leur répertoire. C’est cette filiation qui se poursuit encore aujourd’hui dans l’archet de ces violonistes qui animent les bals trad de 2015 : avec des airs d’il y a un siècle voire plus. Certains sont professionnels comme Basile Brémaud du Duo Artense, ou encore François Breugnot, Xavier Vidal, Jean-Louis Deygas… Il y a aussi la bande des amateurs (qui n’en vivent pas) très amateurs (ils l’aiment cette musique) pas si amateurs que ça (ils ont dépassé le stade du bricolage !) : François Labro, Olivier Durit, Bernadette Mona, Pierre Raymond, et…les Violons du Mamou réunis autour de Robert Schilling et Michel Delbarco.

Cette grande famille des violoneux d’Auvergne a perdu tous ses ancêtres. Plus aucun des violoneux historiques cités plus haut ne sont de ce monde.

Tous sauf un !

A Champs sur Tarentaine, au cœur de l’Artense, un violoneux-paysan (-retraité !) né en 1925 joue encore en 2015, à 90 ans. C’est René Tissandier.

Et René, dans 2 semaines, il fait un bal, et ça : c’est un événement ! Ca valait bien cet article !

La vie de René, c’est un roman. Comme toutes celles des violoneux sans doute. Mais la vie de René, c’est un roman inconnu. Comparée à celles des violoneux « célèbres » qui étaient pourtant ses contemporains. Par exemple Joseph Perrier. « Jo » était du village voisin, Marchal, de l’autre coté de la colline par rapport à la ferme de René. Jo est peut-être le plus célèbre des violoneux d’Auvergne aujourd’hui. Pour tout un tas de raisons complexes (à commencer par son jeu), qui lui ont valu de nombreuses visites chez lui par de nombreux collecteurs venus lui demander de raconter sa vie et jouer ses airs. Il a récemment (en 2011) fait l’objet d’un recueil que les « tradeux » de l’an 2000 s’arrachent : « Les Airs de Jo » !

René, lui, n’a pas vu passer autant de monde. Le petit nombre de collecteurs qui sont allé à la rencontre des violoneux sont davantage allé vers son voisin. « Jo », né en 1911, était l’aîné de 15 ans de René. Il est mort le 7 janvier 2003 à l’âge de 92, et cela a fait l’effet de l’extinction du « dernier des violoneux ». Pourtant, dans le bled d’a coté, René lui a survécu. Mais les collecteurs n’étaient plus là.

René a continué à jouer avec ses copains de temps en temps, dont les cabrettaïres Gérard Brugière et Jean-Claude Rochet. Motivé par ces deux-là notamment, ils ont sorti un disque en 2012 : les Chanigots, du nom de ces petites pommes des bois. Mais plus de bals depuis longtemps.

Cette année, le 12 mai, René a eu 90 ans. Il venait de perdre sa femme, Odette, quelques semaines plus tôt d’une vilaine maladie.

Depuis, seul dans sa ferme de Lacoste, la vie n’est pas pareille, mais toujours pareille : voir ses enfants, faire le jardin, faire ses courses, des papiers sans doute. Le violon était resté silencieux depuis quelques semaines pour s’occuper d’Odette. L’ayant eu au téléphone à cette période, c’est Robert qui lui a proposé de venir jouer au bal du 12 juin à Ste Eulalie. Et il a accepté ! Il jouera avec son copain Jean-Claude Rochet à la cabrette.

Alors le 19 mai dernier, René a ressorti son violon pour jouer avec nous et se préparer pour le bal du douze à Ste Eulalie. Nous étions allé passer l’après-midi avec lui, avec Robert et Michel pour faire « en dire un p’tit peu » à son violon (expression d’Alfred Mouret rapporté par Olivier Durif). René nous a accueilli le sourire aux lèvres, la table mise, le vin (bio !) débouché d’avance et le Grand Marnier à portée de main. On a joué 2 heures et ni ses doigts sur le violon ni ses pieds sur le parquet ne laissaient penser qu’il n’avait plus joué depuis plusieurs semaines !


Nous sommes revenus de cet après-midi mémorable avec la conviction que le bal du 12 sera un grand moment, où les VDM auront l’occasion de rencontrer un de leur « grand-papa » du violon. Soyez-en si vous le pouvez !

Mathieu.

* en résumé, les musiques et danses traditionnelles, qu’en 2015 on surnomme « trad », sont celles jouées dans la « société traditionnelle » du XIXe siècle, tombées en désuétude au début du XXe siècle lorsque ces milieux traditionnels paysans ont vécu la révolution industrielle (pour résumer !). Ces musiques et danses ont été remises au goût du jour par les groupes folkloriques au milieu du XXème siècle dans des formes « spectacle » (avec chorégraphie et costumes), puis de façon un peu différente dans les années 1970 par le mouvement « revivaliste » qui a débouché sur une pratique de bal, celle qu’on appelle « trad » (parfois appelé « folk » dans certains coins de France, par exemple vers Lyon, mais cela porte à confusion avec le folklore !)

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